L’OUVERTURE DES ARCHIVES DE LA SOCIETE DES NATIONS SOUS LA PRESIDENCE DE
THANASSIS AGHNIDES
Les archives de la
SDN, pas plus que n’importe quelles autres, n’ont été constituées pour être des
archives. Elles sont un sous-produit de l’administration internationale ou, en
d’autres termes, le résultat d’une autoproduction d’outillage. C’est à dire que
les différents fonds divisionnaires qui les forment, n’ont pas été ordonnés
pour la recherche historique, mais bien pour l’information administrative et
politique[1].
Vu cette forme inhabituelle des archives de la Société des Nations, une contribution
des spécialistes s’avérait nécessaire pour transformer cette masse énorme de papier
en instrument utilisable par les scientifiques.
Dès le début des années 50, la question de
l’accessibilité au public de la documentation appartenant aux archives de la
Société des Nations se pose avec une acuité croissante, à cause d’une demande
de recherches en augmentation. On commence prudemment par autoriser la
consultation de quelques documents non confidentiels ou secrets. Puis en 1956, soit
dix ans après l’abrogation de la Société des Nations, ces archives font l’objet
d’une étude plus attentive et sont regroupées à la Bibliothèque Rockefeller de
l’Office des Nations Unies à Genève.
Les archives ne s’ouvrent alors aux scientifiques qu’après
l’étude du « bien-fondé » de chaque demande et après détermination de
ce qui peut être communiqué sans préjudice pour les intérêts moraux ou
matériels, publics ou privés des certains gouvernements ou individus. Mais à la
longue, cette procédure trop compliquée s’avéra intenable.
C’est alors que soudainement, la « Dotation
Carnegie pour la paix internationale » proposa aux Nations Unies en
octobre 1965, de financer un projet qui rendrait les archives réellement
utilisables pour la recherche. Concrètement elle mettait à disposition une
somme de 75 mille dollars pour un projet qui permettrait la simplification des
répertoires et des index existants et l’établissement d’une réglementation
précise concernant l’accès aux documents de la SDN pour les personnes n’étant
pas fonctionnaires des Nations Unies. Un accord intervint à ce sujet en 1965 et
le projet put être entrepris dès l’année suivante.
L’étude des questions de principe fut confiée à un groupe
de consultants formé d’anciens hauts fonctionnaires de la Société des Nations et
de professeurs d’université. Ce groupe fut réuni pour la première fois par M.
Spinelli[2]
le 10 juin 1966, avec la participation de MM. Th. Aghnidès, Pablo de Azcarate,
Milan Bartos, Goormaghtigh et Adrian Pelt et l’assistance de MM. Field, Siotis
et Pérotin. Le groupe, qui devait aussi compter sur la participation de MM.
Frederick William Dampier Deakin, J.-B. Duroselle, Jacques Freymond et Edouard
de Haller, désigna comme président Th. Aghnidès[3].
Le comité, dont Mlle Constance Rhodes fut secrétaire exécutif à partir de
février 1967, étudia, lors de cinq sessions, les recommandations à formuler au
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies concernant les règles
pour la consultation des documents et l’ouverture des archives. Il s’agissait
d’un travail assez délicat, comme le signale Th. Aghnidès : « la SDN - tout comme l’ONU - n’est pas un
centre d’études historiques ou une académie. C’est une organisation politique
composée d’Etats souverains jaloux de leur « standing » et
chatouilleux. Il n’est donc pas mauvais de prévoir plus d’une porte de sortie,
même s’il s’agit d’une porte entrouverte, pour satisfaire les historiens. Half
a loaf is better than no bread... »[4]
La
réunion inaugurale du groupe de consultants, avec Th. Aghnidès comme président,
eut lieu le 10 juin 1966[5].
Parallèlement, on intervint sur les archives elles-mêmes
afin de les rendre utilisables pour la recherche. Pendant trois ans, des
spécialistes et des archivistes furent engagés pour trier la documentation et
simplifier le système d’indexation. Le but de cette tâche était de réagencer
les archives sous une forme qui en facilite la consultation et de permettre,
dans toute la mesure du possible, le libre accès aux documents.
Pour les documents classés comme confidentiels, on décida
de charger un groupe de consultants de fournir un avis et, éventuellement, de
déclassifier une grande partie des pièces que les chercheurs jusqu’alors, n’avaient
pas été autorisés à consulter. P.P. Spinelli proposa entre autres la
participation de Th. Aghnidès[6]
à ce groupe, qui accepta sans hésiter[7].
L’essentiel du travail fut l’établissement du Répertoire
général (en trois volumes) qui permet au chercheur d’embrasser d’un coup d’œil
l’ensemble des dossiers produits par telle ou telle unité du Secrétariat ou par
un organisme extérieur.
Le projet terminé, les archives de la Société des
Nations furent réunies avec d’autres fonds d’archives appartenant à la
Bibliothèque des Nations Unies (toujours à Genève), ainsi que certaines
collections ( photographies, matériel de propagande etc.) avec son Musée, dans
le cadre de la « Section des collections historiques - archives de la
Société des Nations » (aujourd’hui « Section des archives de la
Société des Nations et des collections historiques »), dès le 1er
octobre 1969 l’ensemble fut accessible aux scientifiques, chercheurs et
étudiants du monde entier.
Christos Lampias
[1] Yves Pérotin, Projet concernant les archives de la SDN,
Situation actuelle, plan de travail et calendrier provisoire, Genève le 14
octobre 1966, p. 2.
[2] Directeur général des
Nations Unies à Genève.
[3] Voir : Christos
Lampias, Deux Grecs de la Société des
Nations à Genève, Aéridès No 2, Printemps 1996, p.88-89.
[4] Lettre de Th. Aghnidès
adressée à J. Siotis le 9 novembre 1966.
[5] Compte-rendu de la Rencontre
du Groupe de consultants du 20 juin 1966, Genève, le 29 juin 1966.
[6] Lettre de P.P. Spinelli
adressée à Th. Aghnidès le 1er avril 1966.
[7] Lettre de Th. Aghnidès
adressée à P.P. Spinelli le 4 avril 1966.